Quotidien de la mémoire
(copyrights 2000 - H&L Editions)
Le château des Moumirs
II
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant
existé serait le pur fruit du hasard.
Cung Gia
Message de l'auteur
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Les études Homosexualité et
sodomie L'horreur de soi The French capote La mort
L'acier Le
baiser de Quayaquil Status Quo L'éducation des Gogols
Les études
Mercredi 12 janvier 2000
Les études m'ont toujours pesé.
Des heures passées dans ces espaces concentrationnaires
malodorants que sont les classes il ne me reste que le souvenir d'angles de vue restreints
sur des surfaces de cours.
De ma position de "sniper", je guettais le moindre
frémissement du vide. Rêvant de cibles désarmées par l'ignorance que ma lucidité
allait dé-asservir du temps.
J'ai appris depuis que le rêve constituait une occupation
délétère dont les cellules cérébrales souffraient beaucoup de par l'importante
mobilisation qu'il exigeait de ces dernières. Qui l'eut cru ?
Parfois, quand je me trouvais à un emplacement où il
m'était impossible d'échapper à la servitude d'une attitude attentive je simulais
l'intérêt avec lassitude - sauf si la prof présentait quelques avantages physico-extrascolaires.
Durant toutes ces années laborieuses - dans le sens
pénible du terme :-(((
-, comme j'avais l'habitude de le faire jeune sconse dans
ma chambre du château des Moumirs, j'ai accumulé un bric-à-brac scolaire au sein duquel
les matières les plus diverses se fécondèrent elles-mêmes en viols fratricides pour
n'accoucher que d'une tenace et flamboyante dysorthographie - voir comment le langage
internet évolue à qrands coups d'idéogrammes, transperçant de son universalité les
règles momifiées, me rend confiant sur mes possibilités d'intervention futures :-))).
Quand je suis devenu prof - preuve ô combien éminente
que la baisse du niveau dans l'enseignement repose sur des raisons structurelles - je
pense avoir fait quelques efforts louables pour améliorer l'ordinaire de mes cours en
faisant appel - pour m'amuser égoïstement moi-même - aux supports
pédagogiques les plus "attrayants". Pour n'avoir modifié en rien la proportion
statistique des élèves distraits je sais que le rêve forme toujours ses gladiateurs.
Alleluia !
Après sept ou huit ans de sacerdoce inutile j'ai défroqué en douce. Je ne regrette
rien.
Homosexualité et sodomie
Jeudi 13 janvier 2000
Question connaissance des choses de la vie je n'étais pas
un adolescent très déluré. Quand un pote me disait qu'il s'était bien marré le veille
en disco avec un vieux pédé - ou une vieille tante - qui l'avait rincé toute la
soirée, je faisais un petit tour dans l'établissement en question. Pas que j'eusse eu
envie de boire à l'il, mais pour moi qui n'en avais jamais vu, un pédé devait
être certainement aussi fascinant à contempler que la femme serpent ou l'homme singe
d'un cirque Barnum. Ma connaissance du sujet se limitait strictement à l'écume des
choses.
Un soir de boum, alors que j'effectuais la vidange, je
sentis le concours d'abord évasif, puis manifeste, d'une main non répertoriée. J'étais
certainement très vaseux, mais pas au point d'imaginer qu'il fût possible de pisser avec
la queue d'un autre. J'ai donc fixé mon "assistant" avec je suppose dans
les yeux la lueur insupportable de la plus profonde interrogation. Face à mon insondable
perplexité le gars - un vieux cheval de retour - s'est probablement rendu compte
que dégourdir un tel bouseux lui prendrait beaucoup plus que le temps imparti. Il n'a pas
insisté. Il a eu raison.
Quand on était gamin et qu'on se traitait d'enculé
- une insulte grave -, dans mon imaginaire rural ça voulait simplement dire
quelque chose du genre : "t'as une gueule qui ressemble à un cul".
Jusqu'à un âge avancé dans l'adolescence je n'ai pas associé ce terme à un quelconque
acte de sodomie dont je n'avais même pas la perception théorique. Progressivement - à
l'usage du terme si je puis dire - je me suis fait à l'idée qu'un "connard
d'enculé !" serait effectivement bien plus ridicule si on pouvait le
voir avec quelque chose - comme un manche à balais par exemple - lui sortir de
l'anus. A ce stade avancé de mon évolution j'ai fini par comprendre ce que signifiait
réellement ce terme délicat. Comme ma voisine d'aujourd'hui - une ancienne prof
d'anglais - j'étais absolument convaincu que la nature nous avait muni d'orifices
dont l'usage clairement défini ne prêtait SURTOUT pas à interprétation.
L'intérêt de la vie c'est ouvrir, déchirer les limites
diaphanes de l'imaginaire. Il y a toujours eu un envers des choses, une face cachée. Pour
ce qui concerne ce thème précis je le découvris dans le désir explicite d'une amante
expérimentée. Soucieux de non seulement lui plaire, mais aussi ne pas paraître
sexuellement retardé, j'ai suivi son inclination du moment. Je ne le regrette pas. Même
si les sensations diverses qui étaient liées à cet authentique acte d'amour ne m'ont
pas paru prévaloir en intensité ou qualité sur celles qui constituaient mon ordinaire.
Il m'a en tout cas été donné de vérifier - dans le plaisir - une faisabilité
qui me laissait dubitatif jusqu'alors.

L'horreur de soi
Vendredi 14 janvier
2000
Tout être humain a vraisemblablement vécu un jour
l'horreur de soi. Je dois avouer que je garde en permanence sous la main cette faculté
morbide et salutaire. Devant une glace, - généralement le matin ou le soir -
après avoir fait quelques pitreries dont je suis coutumier, - pour me préparer en
quelque sorte - je joue le jeu de la lucidité.
Avec l'emphase qui sied à un vaudeville, je m'inspecte
sous des angles où je sais que le pire est en marche forcée. Pour quelqu'un dont le
corps resta juvénile - aux dires de celles qui ont pu l'évaluer - jusqu'à un
âge avancé de son été, je n'arrive toujours pas à comprendre comment ? quand ?
toutes ces choses cachées sous les vêtements ont commencé leur invasion secrète. Cette
véritable "cinquième colonne" de petits bourrelets ou de points rouges prêts
à exploser. Mon épouse - qui n'est méchamment plus charitable - m'aide dans la
classification des articles disponibles. Mettant complaisamment à jour le stock au cas
où une distraction fortuite serait à l'origine d'un dénombrement incomplet. Je lui suis
donc chaque jour - forcément - redevable de son abnégation à côtoyer en
permanence un site en péril qui menace sérieusement de s'effondrer. Je me plais parfois
à imaginer qu'elle en remet pour définitivement émasculer en moi toute velléité de
séduction dirigée vers des cibles non homologuées (comme la voisine d'en face par
exemple). La guéguerre des couples qui ont fini par croire que les dés étaient
définitivement jetés ! PAS DIT !
Passé la surface des choses on arrive progressivement au
glauque. Ce monde dont on est le seul à pouvoir pénétrer l'espace glacial. Parmi tous
ces potentiels négatifs que l'on sait disponibles et qu'on a parfois sollicité, on
s'attache pendant quelques secondes à se remémorer l'un ou l'autre de ceux qui font
frémir.
Jeune troufion en service dans une caserne du Nord, un gars
m'a un jour glissé un petit ruban vert à l'épaulette. Il m'a dit : T'es le chef ! Tu
commandes la section ! Fais les marcher au pas !
Je n'ai jamais été un leader.
Croyez-le ou pas ! - essayez vous-même le jour de la
galette des rois ! - avec un petit ruban vert sur l'épaule (à fortiori une couronne sur
la tête), je suis devenu instantanément un chef, un meneur. Fallait que ça marche mille
dieu ! ET AU PAS ! - UNE ! DEUX ! GAUCHE ! DROITE !
Très peu de temps après les faits et depuis, j'ai haï ce
qu'ils ont fait de moi aussi facilement, avec si peu d'encouragements
par le
pouvoir dérisoire d'un simple bout de tissu vert.
Cette saloperie de pouvoir corrompt.
Heureusement qu'il me reste les
facultés de rire et d'aimer. Je compte sur elles pour une clémence.

The French capote
Lundi 17 janvier 2000
- Bonjour monsieur ! C'est pour quoi ?
- Ce serait pour une boîte de
(regard à gauche
à droite) Durex , s'il vous plaît ! (Vous avez
remarqué on est toujours très poli quand on est emmerdé)
- Avec ou sans réservoir ?
- Pardon ????
- AVEC
OU SANS RESERVOIR ?
Pourquoi pas avec ou sans chausse-pied, avec ou sans moteur
quatre temps, avec ou sans chaîne de transmission
tant qu'on y est ?
En plus le gars attend ! Bon ! Il veut fourguer ses options; ne soyons pas chien.
- Avec ! Avec ! (
pas déconner,
j'suis pas un
clodo)
J'ai pris la boîte familiale parce que sinon je
risquais de devoir me retaper sa grosse tête de ... réservoir.
Quelques jours auparavant j'avais levé une petite caille
de 19 ans qui commençait ses études à l'école Normale (Je devais en avoir 23 ou 24). Une entorse à ma conduite habituelle
qui me confinait à la sujétion servile de gabarits confirmés. Mais bon me disais-je :
faut goûter à tout
dans le périmètre de ses possibilités.
J'avais bien pressenti que la chère enfant était prête
pour le grand saut. Le simple fait de m'avoir suivi dans ma carrée sordide sous les toits
signifiait que les choses allaient se décanter à une allure satisfaisante. Quand je lui
ai proposé la première fois de s'étendre sur le lit (bon OK !) puis de rentrer dedans
(pourquoi faire ?) et que une fois dedans (à force de moult argumentations vicieuses)
elle n'a jamais voulu quitter ni ses grandes chaussettes blanches ni sa petite culotte de
même couleur; j'ai compris que :
Primo : la demoiselle envisageait très certainement dans
un futur rapproché de pousser l'expérience plus loin - le temps de s'habituer à
l'environnement poussiéreux.
Deusio : la demoiselle en était à son coup d'essai. Ce
qui ne me rassurait pas. Rapport à ces hymens qui sont paraît-il dans certain cas rares
- et terrifiants - aussi épais que des pneus de 4X4 - que les percer demande
une intervention chirurgicale - et que quoi qu'il en soit : ça risquait de saigner
tout plein dans un lit qui n'avait pas besoin de ça compte tenu qu'il était déjà
suffisamment CRADE (Ah ! Si j'avais eu encore l'alèse détestée de mon
enfance pour protéger le matelas du proprio.).
Troisio : Fallait faire gaffe à ne pas changer brutalement
d'état civil.
J'étais donc revenu dans mon antre (de sconse) avec la boîte mystérieuse. En l'ouvrant je
m'attendais bien à trouver les capotes dans un compartiment et dans l'autre les
réservoirs. Ben non ! Que dale ! Je m'étais fait truander !
Quand je me suis déroulé le machin rose sur le chose
après autostimulation comme on dit dans la rue, j'ai remarqué que le bout du
missile avait un défaut. Ouais ! Parole ! Comme une sorte de petite bulle vide qui
pendouillait lamentablement. Heureusement que cette capote là servait d'essai. Comme
bidule ridicule on ne faisait pas mieux. Tout en réfléchissant sur les grands thèmes de
société : du genre de ceux qu'on trouve en "digest" dans certaines rubriques
lingeries du catalogue de la Redoute, je me suis laissé aller à un petit galop de
détente. Et vla ti pas que la bulle du bout s'est remplie ... comme un réservoir dis
! Mais c'est bien sûr ! UN RÉSERVOIR !
Je venais de franchir un pas décisif dans la connaissance
d'une technologique de pointe. J'exultais.
Finalement le grand jour arriva. Elle était prête à
devenir
enfin femme
(comme dans la chanson de Nicole Croisille).
Gros bisous, caresses, mots tendres
les humeurs (liquides et autres) étaient à la
frénésie. Hop ! Un bond hors du lit ! Enfilage précipité du bonnet - du cornet
- dans le bon sens (réservoir à l'extérieur) ! Hop ! Retour au chaud !
Boum ! radaboum ! boum ! boum ! - Décontraction lente : CE
QU'IL NE FAUT JAMAIS FAIRE !!!!
Tout d'un coup déchirant le silence le cri d'angoisse :
NOM DE DIEU ! JE NE L'AI PLUS !
Deux diables sortant hors de leur boîte en hurlant :
Viiiiiiiite la salle de bain ! Là je vous l'assure : T E R M I N É LA PUDEUR ! On se
récupère le ballon en train de dégueuler son contenu sur les bords et on y va à grands
coups de jets d'eau froide. J'en avais plein les mains elle en avait plein l'orifice.
Bonjour l'angoisse !
Alors bon faisons la synthèse ! En ce temps là le sida
n'existait pas. On risquait "seulement" de se retrouver papa et maman.
Aujourd'hui on leurs bassine les oreilles qu'il faut se PROTÉGER avec des capotes.
Faudrait tout de même qu'on m'explique combien on doit en mettre l'une sur l'autre et
comment chacune doit être arrimée avec un porte-jarretelles pour que tout cela reste
"safe" de bout en bout du processus.
Notez que ça fait maintenant quelques temps que je n'en ai acheté. Peut-être
qu'aujourd'hui, en plus du réservoir il y a d'autres options ? D'ailleurs je vais
peut-être bien en racheter ... après tout. ;-)

La mort
Mardi 18 janvier 2000
Mon père manifeste depuis quelques années une peur
"TERRRRRIFIQUE" de la mort. Pour quelqu'un qui a passé une partie de sa
jeunesse aux commandes d'avions de chasse (à hélices et à réaction) il y a là quelque
chose d'apparemment antinomique. Mais l'explication est relativement simple. Comme
beaucoup de pilotes il pensait réellement être un oiseau et un oiseau ne craint pas de
tomber. Les êtres humains développent parfois de ces certitudes aberrantes qui les
immunisent réellement.
Ma mère interdit qu'on parle de la Mort en sa présence.
C'est ainsi que bon nombre de ses relations sont sous terre depuis un bail sans qu'il en
sache quelque chose.
STUPÉFIANT ! Non ?
Ça donne parfois des échanges du genre :
- Tiens ça fait un bout de temps qu'on le voit plus
celui-là ! Hein ! - Pas de réponse - HEIN !
- Qui ?
Mange ça va être froid !
ça doit être mangé chaud c'est
fait avec
blabla
!
- Tu sais bien il venait me voir pour
blabla
- Ah ! Oui ! Je me souviens !
- Ben alors ! Qu'est-ce qu'il est devenu ?
- Je ne sais pas ! Attends ! J'écoute la roue de la fortune ! Viens voir Jean c'est
intéressant !
Une des rares fois où nous avons eu un dialogue dépassant
le simple stade des civilités, je pense lui avoir soumis l'idée qu'après tout : la mort
ne devait pas être bien différente d'un sommeil très prolongé. Depuis il ne dort plus.
Plus précisément il surveille étroitement son sommeil. Ne lui laissant jamais le temps
de s'installer, de prendre sa vitesse de croisière. Il le saucissonne par petites
tranches tout au long de la journée.
STUPÉFIANT ! Non ?
Comme je vous l'ai raconté précédemment j'ai eu
l'occasion de choisir un père adoptif. Malheureusement il m'a déjà quitté. Quand il a
commencé à se plaindre régulièrement de douleurs dans la cage thoracique, j'ai
décidé de prendre rendez-vous pour lui chez un copain docteur. Après les tests en
clinique il est venu me voir pour me dire qu'il avait une sale petite bête à
l'intérieur. On ne lui avait rien dit de précis mais il avait interprété l'embarras du
docteur. De fait, quelques temps après, on lui proposa un traitement qui vous transforme
un homme adulte en vieux bébé sans poils. Le traitement a été une telle réussite
qu'une fois passé au travers il m'a dit : tu sais, je ne le referai pas une deuxième
fois. Je préfère crever.
On dit toujours ça !
Pendant sa période de rémission nous avons beaucoup
parlé de lui, de sa jeunesse, des femmes qu'il avait aimées, de sa
"carrière". Il allait souvent se promener dans les cimetières militaires tout
proches. Passant d'une tombe à l'autre. Calculant l'âge des jeunes gars - 18 ans, 20 ans
Il pleurait au pied des petites croix de pierre. Probable qu'il s'imaginait être
dans la peau de ces enfants fauchés avant d'avoir vécu. Il pleurait à leur place (ou
comme eux) : de rage, de désespoir.
Ça a duré quelques mois puis la "Bête" s'est
re-pointée en force. Il avait de grosses difficultés pour déglutir le moindre aliment.
Une sorte de serre-joint dans la gorge que les chairs commençaient à obstruer. C'était
un homme qui avait toujours conservé de fidèles copains d'enfance. Il y avait du monde
autour de lui.
Un après-midi il s'est assis sur son lit et nous a dit :
"maintenant je vais mourir".
Protestations de son frère (avec qui il ne s'entendait pas) : "mais non qu'est-ce
que tu racontes !" Énervement. Regard de mépris. Faible mise au point de quelqu'un
qui sait ce qui lui arrive et qui n'en a rien à foutre du lot de consolation.
Trois semaines plus tard, après s'être graduellement
recroquevillé dans la position ftale, il est mort pendant la nuit. Seul avec
lui-même et ses rêves inconnus. J'ai été témoin de son courage. Son exemple me
portera dans mon propre franchissement de ce cap difficile, comme d'autres m'ont porté
dans la découverte de l'amour.
Un jour ma mère m'appellera certainement : "il faut
que tu viennes vite. Ton père ne va pas bien !"
Je redoute un visage de gibier apeuré. Cerné par une
meute imaginaire. Suppliant d'éloigner encore un instant la lame qui vient le servir.

L'acier
Mercredi 19 janvier 2000
Par un curieux détour de la vie j'ai été conduit à
connaître l'acier.
Au temps où son mystère fusionnel se limitait à quelques composants, des hommes
intelligents sont devenus forgerons. Encouragés par l'esprit de conquérants prostitués
à la gloire éphémère. De ce magma étincelant ils ont tiré des lames chatoyantes aux
vertus fondatrices. De celles qui assoient pour la durée d'un souffle la stabilité des
empires.
Par une curiosité irrépressible, j'ai persévéré dans
la connaissance des concepts qui aboutissent inéluctablement aux épanchements
sanguinaires. Héritier d'une longue barbarie, j'ai suivit à la trace le génie de ceux
qui ne pouvaient plus choisir d'autres voies que celles des améliorations de cadence, des
puissances d'arrêt, des trajectoires tendues, des saturations.
Au sein de ces mécanismes proprement admirables, j'ai
perçu les hésitations, les doutes, les drames de conscience, la détermination,
l'aveuglement, les contraintes budgétaires
Si l'un d'eux a un jour à me parler de mon avenir, il aura
face à lui un interlocuteur compétent.
Le baiser de Guayaquil
Jeudi 20 janvier 2000
Guayaquil n'avait pas plus d'avenir que n'importe quel port
de l'hémisphère sud dont la banane est le moteur économique. Pour preuve : le chaudron
où cuisait la pitance des dockers regorgeait de ce trésor illusoire. A cette époque je
ne voyais que le charme des peaux sombres et la gaieté congénitale d'un petit peuple
sans ambition. Même si non loin de là résonnait encore l'écho de ses rages subites.
Sur le chemin de la ville, joyeusement serré et secoué
dans un bus jaune qui essayait interminablement de battre son record du tour - chaque
poste d'arrêt étant validé par un tampon -, je n'imaginais pas que ce rallye
infernal se justifiait par l'extrême pauvreté des pilotes. Pour eux, comme pour celle
qui m'attendait plus tard dans un bar, vivre se résumait à la quête inlassable d'un
petit bout de papier attestant qu'ils avaient bien franchi toutes les étapes
journalières de leur misère ensoleillée.
J'arborais la désarmante insouciance de mes dix-huit printemps. Sous toutes les latitudes la
jeunesse conserve un puissant pouvoir d'appel. Je fus rapidement escorté par un, puis
deux, puis trois compagnons de hasard. Le Kodak Instamatic en main ils m'entraînèrent à
la découverte de leur domaine. Rêvant peut-être du jour où ils pourraient me suivre à
leur tour dans une ville de promesses tenues.
Quand le soleil se coucha le destin malicieux me conduisit
en un lieu où l'Amour depuis longtemps avait déserté le cerveau des hommes. Mon
incapacité à leurs ressembler attira très certainement cette jeune femme noire métisse
aux yeux d'amande. Ma fortune limitée et mon manque d'habitude ne me permettaient pas
d'ingurgiter le flot de Cuba Libre qui lui eût permis de récolter en nombres les
précieux tickets mais je compensais par la fraîcheur apaisante de mon immaturité.
Le juke-box antique de l'endroit me donna l'occasion de
sélectionner quelques uns des grands standards de musique lente qui rendent la nostalgie
saisissable. Au milieu de la piste vide, dans ce désert de sentiments, comme deux
amoureux de n'importe quel monde nous avons joint à l'appel des corps le chant
désespéré de nos curs désarmés. Oubliant un instant les rôles de chacun, nos
lèvres se joignirent en une prière d'Amour dont nous étions les seuls à connaître la
sincérité.
J'ai oublié son nom, celui de l'endroit. Demeure le baiser
... le baiser de Guayaquil.

Status Quo
Jeudi 20 janvier 2000
Il ne jurait que par le groupe "Status Quo";
grattait en permanence une guitare imaginaire aux accents de perdition. Son zézaiement
abominable l'avait privé d'une "carrière fulgurante" de ténor aphone dans un
groupe légendaire. A force de nous bassiner ses visions d'apothéose acoustique on
l'avait surnommé : "STATUS QUO".
Quelques années de galères à balayer ses propres
déjections, de chimères à regarder passer des éléphants roses en équilibre sur un
air des Status et il fit le grand Quo (saut). Leader emblématique d'un groupe disparate
de nos frères qui s'évanouirent en sniffant à pleins poumons une bourrasque
d'excréments non encore éteinte.
Be pretty ! Be smart ! Be a consumer ! Voilà en fin de
compte ce qui résultait de la grande marche de libération, la grande messe de Woodstock.
Le pauvre Status Quo n'était pas "Pretty" loin s'en faut, ne parlons pas de
"Smart". Par contre, il avait été "a good consumer" au supermarket
des mirages psychédéliques.
Vous parlerai-je de Léon : un géant débonnaire que sa
pauvre mère (douce Gisèle) ne reconnaissait même plus dans sa peau devenue verte qui
oublia de se réveiller d'un sommeil profond dans le caniveau de la disco. Irai-je
jusqu'à mentionner le convulsif hara-kiri de Michel, au calibre 12, suppliant dans la rue
la pétoire en main et les trippes à l'air qu'un passant veuille bien lui donner le coup
de grâce. Je vous ai déjà éclairé sur le plongeon fatal de
Marc dans son assiette de soupe. Combien des nôtres ont emprunté l'express du
délire expéditif ?
Jacky m'avait côtoyé au temps des fous rires.
L'uvre de Krisnamurti dans une main, la clé végétale séchée du royaume dans
l'autre, rien ne pouvait entraver sa logorrhée métaphysique. Je devais lire, comprendre,
adhérer,
recevoir le coup de fouet qui me décollerait les peaux mortes du cerveau.
Comment t'expliquer Jacky que mon dictionnaire lamentable
de l'époque ne contenait que des mots se terminant par "ite" ou par
"ouille", que toute mon énergie mentale se focalisait sur les seins de
Marie-France dont le satanique soutien-gorge armé comportait trois agrafes à libérer
simultanément sous peine de se voir considérablement retarder le plaisir immensément
simple de contempler la vie.
L'éducation des Gogols
Vendredi 21 janvier 2000
Pour transmettre les valeurs, amorcer la cognition utile,
nous devions assurer le pré-acquis, le pré-requis, le pré-mâché d'une pensée unique,
dominante, uniquement dominatrice. En résumé : asservir la spontanéité d'un imaginaire
brut dévoyé par l'appétit des sens.
Pour nous en convaincre il y avait des générations de
psychologues délirant sur la salivation d'un chien de cirque. Des savants savamment
conditionnés par la courbe significative des conditionnements de cobayes privés de leurs
repères, de leur savane originelle - lieu exigeant où ces hommes de science eussent
été déchiquetés sans appel.
Un socle basaltique qui sentait mauvais l'éruption à venir. Intervenue depuis. Dont ces
"Maîtres" perplexes ne maîtrisent plus la coulée fulgurante.
Je pressentais confusément que ma place ne serait pas
longue dans ce tunnel obscur qui effrayait mes instincts. Au travers même de l'uniforme,
de l'allure externe, des attributs, je laissais entrevoir une faille, un chemin d'évasion
possible. Pour assurer le maigre quotidien j'ai mal joué un temps le jeu des apparences.
A l'Institut Psychopédagogique je m'occupais de la
crétinisation arithmétique des sujets de type 2. Une horde bigarrée de Gogols qui
connaissaient d'une manière innée la psychologie native des contacts sensoriels. Ce
n'est pas sans amusement qu'ils me voyaient déployer un effort soutenu à grands coups de
bâtonnets colorés qu'ils faisaient mine - par dérision - de sucer comme des
sucres d'orge. Me remémorant ma propre expérience de tribu primitive dans la cour des
miracles de l'Institut Sainte-Marie, j'ai progressivement glissé là où ils voulaient
m'amener : la communication non verbale purement et richement intuitive.
Le premier a émis un son à peine perceptible : une
fréquence basse d'appel du tréfonds de l'abdomen. Le second a remonté d'un ton en
augmentant la durée. Crescendo les suivants ont repris la note de base pour la moduler en
un rythme accéléré.
Alors je suis intervenu
prolongeant moi-même de mes
aspérités sonores le chant unifié d'un splendide langage amphigourique. Assumant de
facto ma répugnance aux préceptes.
Une sensation
rien de plus qu'une somptueuse
sensation
d'amour et de communion.

Suite
Pour adultes

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