Quotidien de la mémoire
(copyrights 2000 - H&L Editions)
Le château des Moumirs
III
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant
existé serait le pur fruit du destin facétieux.
Cung Gia
Message de l'auteur
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Dangereuse séduction Désordre
intérieur J'ai révélé mon trouble
La vérité des fèces Les
"Heures Claires" Les abolisseurs de
joie Bandit incognito Métamorphoses vespérales Mélancolie infectée
Dangereuse séduction
Lundi 24 janvier 2000
J'ai toujours associé la notion de séduction à celle de
proximité. L'espace, la distance, sont mes ennemis. Le félin, le constrictor, le
crocodilien, sait que les odeurs vibratiles de séduction, comme de mort, doivent être
perçues de la proie. Elles président à son agitation, ses fourvoiements
son
état vulnérable.
J'ai toujours agit ainsi quand l'heure était venue pour
moi de jouer mon "rôle". Éviter d'offrir longuement les imprécisions d'une
vue générale. Si les circonstances ne permettent pas un contact charnel, alors assaillir
par des mots de même nature, qui annoncent comme inexorables des forces en rassemblement.
Une météo de l'imaginaire suffisamment précise pour
alerter les glandes "sécrétives", suffisamment trouble pour fourvoyer les
défenses immunitaires.
Au contact - prédateur - je trouve spontanément
le rythme, la démarche à l'amble qui calque son pas sur le pas de l'autre, décelant à
l'avance le moment de rupture qui désunit de la vertu.
Là où la beauté physique n'a plus rien à offrir que sa
seule apparence, j'entrouvre l'accès au luxe de mes abysses reptiliens, refermant une à
une les options de retraite.
Toi-même qui lis ces lignes à cet instant, que j'ai
initiée à quelques uns de mes secrets les plus accessibles, qui a suivit la trace
sinueuse de la ligne aboutissant au palier de mon antre, n'es-tu pas tentée de pénétrer
plus avant ?
Je t'accueillerai dans la soie qui crisse sous les nerfs,
je te montrerai les reflets irisés de mes écailles sous la lumière rasante du dedans,
je t'enduirai de mélanges aux pouvoirs de mutation.
Mais avant de réaliser ces prodiges : assieds toi à ma
table; contemple cette nourriture parfumée qui est là pour toi
qui est moi
POUR TE DÉVORER.
Désordre intérieur
Mardi 25 janvier 2000
Maintenant que tu connais assez de mes circonvolutions je
peux enfin t'appeler à mon secour, te demander la main pour descendre quelques marches
vers un lieu qui m'effraie et m'attire toujours.
Comme tout un chacun je supporte le déréglement de mes
méandres intérieurs. Avec le temps la bête des profondeurs m'est devenue familière,
mais ce ne fut pas toujours le cas.
J'ai souvenir d'hallucinants mirages nocturnes. De ceux qui
au début me faisaient pousser des cris d'effroi, des protestations véhémentes, des
grognements porcins, des gesticulations d'autodéfense.
Avec le patience et la maîtrise, progressivement, j'ai
apprivoisé la complaisance avare de ces visiteurs de l'inconscient, du subconscient, de
l'éveil partiel.
Ils ne m'agressaient pas.
Me surveillaient-ils ?
seulement ???
La multiplicité des formes et identités finit, après
m'avoir terrorisé, par un peu me rassurer. Il n'était pas concevable qu'un si grand
nombre eût à mon encontre des exigences de réparation.
Si le vraisemblable pouvait être invoqué en pareille
affaire, il paraissait vraisemblable que ces foules ectoplasmiques avaient trouvé par moi
le chemin propice à leurs expéditions transitoires.
Ce n'est que tard qu'une fois ou l'autre j'ai osé parler
de leur existence.
Sans insister sur un sujet délicat qui met toujours à
rude épreuve l'intellect de ceux qui dorment, à les entendre, tranquillement leurs
nuits.
Au plus fort des manifestations, quand je pouvais pister
les intrus dans la "certitude" du réveil, j'essayais de conserver des traces
que je griffonnais fébrilement d'une écriture cryptographique.
Au petit matin, les griffonnements tératogènes de la nuit
m'apparaissaient ne plus mériter la moindre application.
Par chance, en dehors d'une expression scripturaire
déficiente, je disposais de la peinture.
Dans les moments de
paroxysme, elle permit de me délester d'un surpoids, qui autrement m'eût entraîné
vers des cercles qui risquaient d'alerter.
J'ignore toujours les origines et les causes. Je me
contente parfois d'interpeller à mots couverts le vécu de frères et surs dont le
sillage me laisse entrevoir une similitude de sitgmates. De mes poils, antennes, pattes,
mandibules, écailles, j'essaye alors d'établir l'amorce d'un dialogue. Parfois j'y
arrive.
J'ai révélé mon trouble
Mercredi 26 janvier 2000
Elle aurait pu - elle aurait dû -
m'écraser comme on le fait d'une fourmi, m'éviter comme il est prudent d'un primate
Par une de ces aberrations que concède
parfois le hasard bienveillant des affinités non encore déclarées : elle a choisi de
négocier.

Posters
de Marilyn

Qu'aurais-je pu faire d'autre, jeune saurien, que revêtir apparence d'homme ?
Par quel point commencer ?
Quel segment de son espace initia la secousse dont je
perçois troublante, au-delà du temps, la puissante rémanence ?
Est-il nécessaire de la situer ?
Oui ! Bien sûr ! L'origine, même futile, est
indispensable comme support, comme preuve - dans son insignifiance - que tout cela
s'est bien passé un jour, a bien vécu ailleurs que dans l'imaginaire.
Elle portait des sabots de bois à garnitures de cuir.
Une histoire d'ascension cadencée dans un
escalier raide, étroit et sombre. L'émergence ronde de deux talons : petits
coussins de chair courageux et fiers de supporter le poids d'une vie.
Le solaire des plages n'était pas loin. Les
restes de son ambre planant en mélange d'effluves Opiacés.
Il s'agissait d'une femme
pas d'une
jeune fille.
Certaines essences - de mystères
- ne se supportent que sur des êtres faits, au terme de leurs mutations positives,
de leur assouplissement cortical et mental.
Entre trente et quarante, le visage
d'une femme réintègre parfois miraculeusement la pureté triomphante de son adolescence.
Les points de rupture charnelle sont prévisibles sans être forcément évidents. Elle
les sait, les connaît, en pleure de l'intérieur. Cette souffrance aphone tisse un voile
de rédemption
tout provisoire hélas.
J'ai aimé ce visage instantanément.

Instantanément j'ai révélé mon trouble.
Mais
est-il prudent pour moi de rouvrir la plaie
multiforme ? Une somme d'amputations graduelles qui laissent le corps toujours plus
exultant pour étouffer l'autre démon : désespoir au galop, hantise du décompte amorcé
- filant à toute allure vers le zéro fatidique - rupture du crédit
de la
source lumineuse
ENNUI.
La vérité des fèces
Jeudi 27 janvier 2000
Après avoir longtemps caché notre mystère, recelé une
partie de celui des autres avec lequel nous faisions corps depuis peu ou toujours, est
peut-être venu le moment psycho-organique du décèlement, du dé-enfouissement, de la
mise à disposition publique de nos comportements les plus intimes, les moins
avouables par pudeur ?
Pour jouer cette pièce unique en son genre il nous fallait
l'anonymat et l'attrait d'un théâtre à audience mondiale, universelle. Nous en
disposons ! S'agira-t-il d'une vaste confession honteuse, d'un acte de contrition qui ne
s'avouerait pas, d'une simple cure ou d'une mascarade ? L'homme est coutumier des
faux-semblants, des arguties qui voilent à peine sa mauvaise foi congénitale.
Parmi les connaissances de base qui nous échappent
totalement aujourd'hui, celles des fèces est sûrement la plus handicapante pour une
perception fine des êtres carnés qui nous entourent.
Aux temps des empires antiques et médiévaux, cette
connaissance des humeurs, de la merde, - indispensable à la gestion du quotidien -
permettait de prévoir, de comprendre les bouleversements à venir ou en cours. Sombres ou
claires, odoriférantes ou sans fumet, de texture consistante ou fluide; leurs
caractéristiques d'apparence et même de goût permettaient de dégager des probabilités
supérieures à nos insipides sondages.
En vérité, toute analyse basée sur l'expression
immensément riche et insondable du verbe devrait être soumise à validation par
juxtaposition d'une expression organique du même auteur : plus sincère dans ses indices
matériels, plus explicite dans ses liens. L'angoisse, comme l'amour, n'engendrent-ils pas
des excrétions typiques et honnêtes ? Un chien a-t-il besoin de long discours pour
acquérir des certitudes fondamentales ?
Vous qui voulez parler en mon nom, gérer mon patrimoine,
édicter des lois, délimiter les périmètres de prisons futures
remettez-moi
d'abord vos fèces, que j'en puisse évaluer le degré de qualité qui me convient.
Les "Heures Claires"
Vendredi 28 janvier 2000
- Nous
sommes des feux de Bengale au rabais. Notre crédit d'étincelles s'épuise trop vite pour
espérer récolter les maigres fruits de nos incendies (petit sourire). Porte-toi bien
Alberto !
- Salut Arthur !
Atteint par la disgrâce d'une santé chancelante, Max ne
s'octroyait plus le droit d'espérer, de lutter. A croire qu'il trouvait dans son état
morbide la source bouillonnante d'un désir aussi intense que celui qui me ramenait vers
celle que j'aimais. Rares sont ceux qui perçoivent dans toute son ampleur la pesante
lassitude qui assaillit l'infortuné dont la maladie est le seul viager.
Les villes d'eau étaient classiquement le lieu de concentration
de ceux qui reçurent en viatique par une "nuit et brouillard" l'insigne
sceau de leur insignifiance gravé sur l'avant-bras. Ils étaient là pour soigner leurs
maux certes, mais tout cela relevait aussi d'un instinct grégaire. A l'instar des
fondamentalistes de tous bords, des clubistes, des anciens combattants, des
homosexuels
ils avaient - ils ont - leurs sites de rassemblement : l'union
fait la force. Une équation commune à toutes les armées. Malheur à l'homme seul !
C'est indiscutable, c'est biblique.
A l'époque où je fréquentais les lieux comme jeune
curiste, toute la Pologne "tatouée" semblait s'être donnée rendez-vous. Un
plénum, une convention. Dans la grande salle à manger des "Heures Claires",
nous étions très peu à ne pas présenter les stigmates d'une vie lourde de secrets
enfouis, de souffrances digérées. Les Polonais - pour ce qui m'en a été donné à
connaître - sont de bonne composition. Leur parler français est roucoulant comme
leur humeur est encline à la plaisanterie. Les femmes sont souvent belles et les hommes
toujours très galants. Ceci expliquant raisonnablement cela.
Je n'avais pas encore fait la connaissance de Max. Le
hasard où sa crainte de l'isolement l'avait conduit naturellement à s'attabler là où
ma jeunesse annonçait je ne sais quel espoir d'apaisement. Il était physiquement bien
trop terne pour m'inspirer quoi que ce fût, malgré son âge en rapport avec le mien.
Non, je cherchais dans cette foule un point lumineux qui puisse me divertir.
En face de moi : une dame. Un visage blond rayonnant de
douceur. Malgré le nombre de ses printemps, à bord de ce bateau ivre d'eau, elle
m'apparut acceptable dans le rôle furtif d'un succédané auquel ma référence de
l'époque reléguait tout être muni de seins et foré d'un accès jouissifère. Par
chance, elle possédait - exposait - un trésor bien visible, amoureusement
soigné, qui allait me permettre un abord à sa sensibilité sans devoir recourir aux
artifices cyniques de la séduction.
- Vous avez de très belles mains !
Après quelques instants de perplexité, le visage
transmettant les subtiles variations du non-dit de la pensée, elle me gratifia d'un beau
sourire et d'un remerciement gêné. Je n'en attendais pas moins. J'appris ensuite que la
dame avait été pianiste, qu'elle était d'origine polonaise et pouvait ainsi
parfaitement comprendre les allusions salaces - dans cette même langue - de mes
vieux compagnons de tables - et de chambrée - qui semblaient eux aussi apprécier
sa compagnie. A voir leurs mines embarrassées, je compris qu'ils ne s'étaient pas
arrêtés à de simples considérations esthétiques.
Peu après, je me retrouvai de nouveau aux côtés de Max.
Bien emmitouflé dans un drap immaculé, nous venions de sortir d'un bain de boue
nauséeux dont les multiples inclusions ligneuses nous décorait encore le pubis. Nous
attendions patiemment l'autorisation de nous vautrer dans une de ces antiques baignoires
à bulles dont la structure cuivrée faisait furieusement penser à un chaudron à
confiture. C'est dans cet intervalle de transit qui nous poussait lentement au terme d'une
galerie nébuleuse, peuplée de créatures à la
Jérôme Bosch - des têtes hallucinées émergeant de gros baquets de
"merde" en fusion sur roulettes -, qu'il prit l'initiative d'un contact par
l'amorce d'un rictus zygomatique suivi d'une allusion assez pertinente sur nos chances
aléatoires de sortir un jour du boyau scatogène où nous étions confinés, sous une
forme autre que celle à laquelle on était en droit de redouter. C'est ainsi que de fil
en aiguille notre communauté de destin fécal nous rendit inséparables.
A l'inverse de son apparence, Maxence était tout sauf un
être anodin. Les contradictions de ce genre ne sont pas exceptionnelles, peut-être même
beaucoup plus fréquentes que le phénomène inverse et quelque part c'est rassurant de
savoir qu'on a toujours intérêt à chercher la beauté là où elle se cache le plus.
Non seulement Max était brillant d'intelligence mais aussi colossalement cultivé. Je
dois bien avouer qu'à ses côtés, malgré mes intuitions rouées, je faisais pâle
figure. Alors que je prospectais ventre à terre l'univers tout en jambes écartées
d'Alberto Moravia, il consumait son essence raffinée dans la lugubre fournaise d'Arthur
Rimbaud.
C'est ainsi qu'il me surnomma Alberto et qu'il hérita de
son propre patronyme d'Arthur. Moi remontant péniblement vers ses cimes, lui descendant
amicalement vers ma bauge, nous nous rencontrâmes sur la route cabossée de François
Villon dont nous avions tous les deux adoré : La
Ballade des Pendus.
Frères humains qui après nous vivez, n'ayez contre
nous les curs endurcis
Que dire de Max ? Si je l'avais décelé moi-même à
la lecture de quelques unes de ses lignes, n'importe qui aurait pu voir en lui un auteur
dont l'expression littéraire tirait sa sève du meilleur humus. Une stupéfiante
capacité à transmuter l'anodin en symphonie poétique. Là où je m'esquintais à un
laborieux travail de description des surfaces, il transcrivait sans le trahir le chant
obscur des intimités.
On remarquait pourtant certaines lacunes - de vécu
- qui donnaient de sa perception des rapports amoureux une vision trop puissamment
vascularisée par l'exultation, dont les mésalliances se percevaient au travers
d'expressions réunissant systématiquement les extrêmes en frères; remplissant et
désemplissant hors d'haleine un gouffre de sa propre vacuité comme une surenchère de
craintes que le sujet ne fût pas à la hauteur de sa sublime description. Il y avait un
peu trop de véhémence incandescente pour que la simple réalité de l'amour ne soit
étouffée par l'éblouissante beauté du contenant - son rêve -, niant de ses
bords parfumés la trivialité d'un contenu souvent empoisonné : les contingences; si
présentes à l'esprit de ceux qui vivent ces choses de l'intérieur, faites du choix
appropriées de la couleur - plus ou moins "salissable" - des vêtements
du dessus et du dessous, des repérages systématiques de zones où la terre est rase,
sans hautes herbes qui s'accrochent ni textures de sols trop révélatrices sur les pneus,
les chaussures
Je parle ici pour ceux qui vivent leurs rencontres fusionnelles dans
le secret. Seule configuration susceptible d'exalter durablement la puissance imaginative.
Max sans aucun doute aimait les femmes et aspirait plus que
tout à leur découverte physique; mais il était trop théoricien pour entreprendre; trop
pur esprit pour s'arrimer de chairs efficaces; insuffisamment terrien pour découvrir en
elles la source primitive de leur vulnérabilité : un goût sensuel inné - un besoin
- de soumission Triomphante; nécessitant de se voir d'abord chevauchée, lardée,
transpercée, aspergée du liquide qui fonde la légitimité de leur penchant viscéral au
patrimoine. Prends-moi ! Je me donne ! Maintenant, quoi que tu dises ou fasses,
une part de toi m'appartient à jamais!
Oscillant de l'Ange au Démon, il ne les percevait pas
telles qu'elles sont : simplement mais superbement Humaines.
Je ne peux achever ce chapitre sans mentionner son don de
prescience proprement stupéfiant. Durant les quelques semaines où nous nous sommes
côtoyés journellement, j'ai été témoin à maintes reprises de ses facultés
divinatoires d'une précision inouïe, dont les prévisions se vérifiaient devant nous
avec quelques minutes de retard. Il m'a laissé en gage quelques prédictions, avérées
par les faits depuis, qui me font voir aujourd'hui Nostradamus, en comparaison, comme un
prophète de pacotille. Parmi celles-ci : l'annonce - il y a plus de vingt-cinq ans
- que je parlerais un jour de lui au monde au travers d'un médium inconnu à l'époque.
Ce jour est venu.
Salut Max !
Les abolisseurs de joie
Mercredi 02 février 2000
Je connais des gens
proches par la parenté que l'on pourrait qualifier d'abolisseurs de joie. Une espèce
redoutable qui puise ses certitudes basaltiques dans la qualité inérodable - inaltérable
- d'une expérience laborieusement vouée à l'échec aigre, au manque de chance
inévitable, à la persécution du hasard. Expérience portée, par dépit, en sombre
blason d'orgueil, rivée à une épineuse armure de préjugés dont le heaume, depuis
longtemps, ne livre plus à hauteur des fentes le moindre cillement d'espoir. Jusqu'à
cette odeur de vielle poussière infestée qui vous englue d'appréhensions à l'idée
d'en mourir suffoqué, la gorge pleine.
Tout cela a débuté il y a des décades par de simples
menaces incantatoires :
- Si tu ne fouts rien à l'école tu finiras ouvrier !
- Si tu ne fouts rien à l'école tu finiras sténodactylo !
Ma sur n'étant pas épargnée par l'opprobre de résultats scolaires en dents de
scie.
Par quelles pugnaces ressources de vie ai-je pu préserver
d'une stase mortelle, l'ardent flux du rêve ? Vital affluent de l'espérance, instrument
plus apte qu'aucun autre à forger les anneaux d'un invincible haubert. Très certainement
d'abord par la science de l'inaudible. Quand réduite à une facette du crétinisme, la
beauté luminescente du désir féerique est stigmatisée; à défaut de couper les
langues, il faut apprendre à crever ses tympans.
C'est ainsi que j'ai vu l'autisme sélectif me fournir
voies et moyens de survivance contre une engeance suicidaire qui s'ignore
d'autant
plus qu'elle est viscéralement attachée à sa chienne de vie. Vous la reconnaîtrez sans
peine à l'une de ses expressions favorites : "Nous aussi si on voulait
on
pourrait
". Elle résume magistralement l'univers morfondant d'un
immobilisme putréfié jusqu'à l'incomburance.
Les rêveurs ne sont pas donneurs de conseils. Ils n'en
demandent pas non plus autant que les âmes bien intentionnées estiment devoir en charger
leur besace. Mais si du bout des lèvres je pouvais me permettre : fuyez les abolisseurs
de joie !
Bandit incognito
Vendredi 04 février 2000
J'aimerais te filer
incognito dans les rues de S. Comme un bandit le long des murs, dans les encoignures de
porte. Puis voler - enregistrer - l'expression de ton visage au moment où tu
croirais faire la rencontre que tu attends. Et surgir de ma planque pour te ramener
endormie au début de ta ballade. Que je puisse à nouveau fixer cet instant douloureux - pour
moi - avec un autre et un autre encore
sans jamais permettre qu'il te raconte
sa vie, que tu aies envie d'en savoir plus, de t'attendrir, pire, de te confier à lui en
mon absence.
Quand épuisée de ces avortements incompréhensibles tu
ferais signe à un taxi d'arrêter, je serais au volant. A cause de ton visage triste dans
le rétroviseur je te dirais en mettant une musique douce que tu aimes et que je connais :
"Vous allez bien ? Vous n'avez besoin de rien ?"
Tu verrais mes yeux souriants dans le miroir et tu
oublierais ton chagrin. A mon reflet tes lèvres feraient confidences de lourdeurs
ventrales soudainement disparues. D'enfants prévus à naître qui se sont fait
éternellement attendre. De chemins très souvent parcourus sans jamais définitivement
fixer les détails essentiels qui permettent un retour.
A la fin du songe j'ouvrirais la portière sur ton réveil.
Peut-être te rendrais-tu compte alors que les yeux du miroir, le bandit des encoignures,
l'empêcheur de rencontrer en rond c'était moi ?
Au revoir !
Bonne nuit ! (... Ah, the moon's too
bright ! ... The beast won't go to sleep ...*)
* (Léornard Cohen)
Métamorphoses vespérales
Lundi 07 février 2000
Avec Pépère je quitte journellement ma demeure en fin
d'après-midi. Pépère a deux ans, le poil couleur paille, les yeux égyptiens noblement
maquillés, la barbiche gauloise arrogante. Il est comme son papa - je suis son papa
- : curieux de tout, reniflant partout, fouillant dans les recoins pas propres et toujours
partant quand il s'agit d'engager conversation avec un(e) inconnu(e).
En été on prospecte. Les pâtures à champignons, les
bois à loups-garous, les sites touristiques cimetiérisés, les chemins de terre
caillouteux qui mènent péniblement à un nulle part qui vous cède le relais d'une
époque oubliée dont vous êtes l'humble dépositaire.
Installé derrière dans la voiture, son museau passant
entre les sièges, reposant parfois sur mon épaule, il me fait confiance pour dénicher
de nouvelles landes à conquérir. En route, quand on croise une petite Mémère à son
goût ou un "Oooh, le chat !", il fait des sauts de cabri en piaillant.
Bref, on s'aime, on se comprend, on fait la paire.
En période hivernale nous ne conservons l'usufruit
hargneux que des zones les moins boueuses. Le plateau de Behau en fait partie. Une
étendue vallonnée sans clôtures, scarifiée par endroits du soc puissant de la bête
noir. Montueuse mer de terre qui me convient à l'âme. Figée dans sa valse lente,
supportant çà et là des esquifs imprécis, des mats épineux de naufrages en cours. Je
ne suis pas sensible aux espaces sans espoir des montagnes jeunes, taillés à la hache,
où la vie se consume sans finesse d'engraissements forcenés en lourds sommeils
infertiles. J'en ai autant à dire contre les décors de fin du monde que sont les plages.
Ligne du temps ensablée d'un infini trop palpable dont l'esprit s'épuise à renoncer au
vertige.
Nous progressons donc à nos rythmes vers le centre de ce
fief parfumé d'épandages doucement âcres qui s'infiltrent et s'agrippent aux plus fins
de nos tissages sensuels. Lui en avant-garde, devant où sur les flancs, annonçant aux
corbeaux et autres spectateurs velus l'imminente métamorphose vespérale de son Maître.
Arrivés au lieu du jour et de l'heure, vestibule secret
où s'enterrant sans compassion les entraves, se libère enfin la fantasmagorie ; le
brûlant regard d'imaginaires féroces n'est plus soutenable que par celles et ceux qui
n'ont rien à gagner de leur sort si ce n'est de s'en défaire, par celles et ceux qui
revendiquent à juste titre que leurs désirs actuels, pitoyables décharnés,
réintègrent la souple carnation de ceux qui les hantaient naguère.
Mes bras ailés de l'intérieur s'écartent en de
puissantes protections amoureuses. Que l'inaudible voix de l'hypocentre puisse entamer la
mélopée propitiatoire au réveil des sources enfouies encore à dilapider. Par l'éther
enivré, le masque des mots simples s'éclate en multitudes. Vent : musique, caresse,
force, pulsion, vitesse, envol, rêve,
Rêve.
Parfois, à l'inverse, sous le coup d'effondrements
silencieux inattendus, les mots se condensent en fusions inexorables pour ne faire qu'un
avec la terre. Trou noir sous mes pieds, réceptacle d'une pensée inexprimée dont la
souffrance compacte est en somptueuses brisures de barrages à venir.
Ne me regarde pas Pépère ! Ta frayeur me gêne.
Mélancolie infectée
Mardi 07 février 2000
Oui, parfois je
désespère.
Oh, je sais très bien qu'il s'agit d'un désespoir de
luxe, emballé dans un papier cadeau pour ceux qui en veulent toujours plus.
Pour ne pas dévaluer le désespoir sombre, inhumain, qui traîne ses pieds gelés sur de
réelles routes de misère, je vais re-qualifier le mien en mélancolie.
Une mélancolie infectieuse, envahie de pensées pathogènes, se diffusant aux travers
certains vaisseaux "pasympathiques".
Parfois je me dis qu'il serait plus généreux, plus amical
de préserver les autres en ne leurs envoyant pas de messages d'amour qui les perturbent
trop dans leur confort durement construit, âprement défendu.
Je ne sais que trop, combien les nuits peuvent être
agitées lorsque le corps s'imagine à nouveau sous le coup d'une passion terrassante.
Un message d'amour est une puissante toxine, sans antidote,
si ce n'est d'en distiller soi-même une similaire, voire plus puissante.
La haine est tellement plus aisée à combattre, bien
meilleure pour la santé des nerfs. Ses aspérités offrant de bonnes prises, permettant
de stimulantes projections, des cris de victoire, des plans de vengeance féconds.
Une fois cautérisées, les plaies de la haine ne suppurent
plus. C'est la paix des braves.
Il m'est arrivé, je l'avoue, d'envoyer une lettre anonyme.
Ou plutôt un message anonyme.
C'était trop tentant, toutes ces boîtes
aux lettres dans la salle des professeurs.
Par malchance pour moi, l'une d'elle
appartenait à ce type de visage qui m'émeut. Des pommettes hautes et saillantes. Des
yeux bleus rieurs.
J'aurais pu profiter d'une soirée un peu
trop arrosée pour m'insinuer dans son sillage. Lui faire comprendre mon sentiment par des
attitudes sans équivoques.
Je ne sais pas pourquoi j'ai imaginé ce
stratagème du corbeau blanc. Une poésie explicite dont elle ne pouvait douter - après
déduction - qu'elle vînt de moi.
Je pense avoir regretté mon geste aussitôt
accompli. Convaincu que sans l'avant-garde délicate des "bonnes manières",
rien ne pourrait sortir d'un aveux si férocement abrupt.
Vous comprenez recevoir le message :
"Quelqu'un va t'aimer" ; c'est aussi déstabilisant - pour ne pas dire
terrifiant - que : "Quelqu'un va t'étrangler".
J'en eus la révélation juste après
l'action.
Pour la première fois j'eus honte de
l'amour que je portais comme d'une vulgaire et dangereuse perversion qui ne recule devant
aucune limite pour affirmer son égoïsme, assouvir son vice.
Un dévoiement despotique et totalitaire.
Finalement j'ai battu lâchement en
retraite, me contentant de regards sournois dépités. Pour peu, j'eus prétendu sur ma
tête - mon honneur qui sait ? - que je n'y étais pour rien.

Posters
de Marilyn
Elle était mariée.
Je me suis dit que peut-être c'était mieux
ainsi, traduisant cette "erreur de jugement" comme l'avertissement d'un ange
protecteur.
Même si à d'autres occasions ce genre de
scrupules ne m'effleura pas un instant.
Le désir s'arrange si facilement avec la
conscience.

Suite
Pour adultes

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