Les photos de Lucie
Le combiné
raccroché, les derniers accents de sa voix mouillante continuaient à se propager comme
une mauvaise fièvre dans les dédales de mon cerveau fatigué.
Difficile à
comprendre les véritables raisons qui l'avaient conduite à former mon numéro. On ne
s'adresse pas à un homme comme moi pour se faire tirer le portrait.
Elle avait
soi-disant apprécié mes travaux, dont certains figuraient dans une ancienne édition de
Metropolitan Magazine.
Une feuille
qui m'avait présenté comme un Troll à moitié dément, incapable de se contrôler, et
qui photographiait ses modèles, habillé uniquement d'un pantalon faiblement maintenu par
de larges bretelles.
Une
réputation qui m'avait valu de n'être plus approché que par les risque-tout de la
profession.
J'eus beau
lui affirmer que mes longues journées étaient en somme trop courtes, qu'un photographe
de quartier ferait sans aucun doute l'affaire... rien n'y fit.
C'est moi
qu'elle voulait. Elle payerait ce qu'il faut.
Dans sa voix
se mélangeaient des tonalités faussement plaintives qui masquaient mal une nature
habituée à imposer sa volonté.
C'est sans
doute cette part obscure de Lucie qui me fit lui céder. Mais pour marquer le coup et bien
lui faire sentir la difficulté d'accès à mon univers, je lui fixai rendez-vous le jour
même à minuit au laboratoire de la rue des Egarés.
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Lorsqu'elle se présenta,
légèrement en avance, j'étais encore sur le trottoir en train de fouiller dans ma poche
pour trouver cette foutue clé.
- Je suis Lucie, me
dit-elle avec un large sourire d'enfant contente.
L'éclairage anémique de la
rue des Egarés fut juste suffisant pour un premier bilan.
Un corps complètement
masqué par un long manteau de cuir et une tête aux cheveux blonds vénitien qui devait
être le seul point lumineux du périmètre. Ce qui était après tout un signe
encourageant.
Elle passa devant moi dans
l'escalier. Je reconnus son parfum : Lolita Lempica. Sans aucun doute pour me montrer
qu'elle me connaissait bien et avait lu les quelques interviews à mon sujet.
Par chance, une bonne âme
s'était chargée de donner au laboratoire un aspect qui puisse masquer les récentes
activités du "malade".
- Mettez-vous à l'aise,
lui dis-je, pendant que je prépare le matériel.
En la retrouvant sur le
plateau quelques minutes plus tard, sa tenue me plongea dans la plus profonde perplexité.
Je m'attendais à tout
évidemment, mais de là à me faire percuter la tension par une collégienne sur le tard,
en tenue majorette ... il y avait un espace-temps infini que je ne n'eût pas cru possible
de franchir.
La bougresse avait pourtant
quelque chose de particulier qui ennoblit le ridicule, lui procure ses lettres de
noblesse, sa validité, son laissez-passé pour l'indéterminé de l'Art.

C'est donc avec la
jubilation d'un Troll croquemitaine que je déclenchai les premiers "shots". La
petite chose en face virevoltait comme une nymphe, faisait des simulacres de pas de danse,
exposait à l'objectif son sourire de première de classe.
Je ne vous dirai pas, alors
que les prises se succédaient à un rythme soutenu, toutes les idées saugrenues qui
défilèrent en rang serré dans le paysage Harry Pottérien de mes neurones.
... Puis, il y eut cette
première ouverture. Sans effet d'annonce, la toile du fond venait de changer sa couleur.
Le rose décidait soudainement de s'exposer aux risques de l'insolation.
Mon oeil quitta un instant
le viseur pour s'assurer qu'il était toujours du bon côté du miroir, celui où les
lapins terminent leur existence dans une casserole, ne portent pas de chapeau et ne lisent
pas l'heure.

La collégienne avait décidé de grandir, à l'intérieur de la coquille battait le pouls
d'une chair exigeante. Son regard devint interrogatif.
Je m'approchai d'elle en
fixant l'ouverture de sa chemise. D'une main délicate, je déplaçai la courbe du collier
qui lui barrait une partie de l'aréole. Relevant alors les yeux je lui dit laconiquement
- Vous avez de beaux
seins.

Bien qu'il ne s'agissait pas d'une requête, l'effet fut immédiat.
Deux magnifiques pommes, de calibre intermédiaire,
revendiquèrent leur existence.
A mesure que le torse déchirait l'espace de ses
pointes tendrement acérées, les prises devinrent plus rapides encore.
Puis, je m'arrêtai soudainement.
- Lucie ! dis-je, en la fixant au travers du viseur.
- Oui ! me répondit-elle, avec une extrême douceur.
J'étais incapable de lui exprimer verbalement mon
attente, mais je suppose que le cheminement explicite de mon objectif provoqua en
elle le désir de le satisfaire.
S'accroupissant sur le sol, et me fixant dans les yeux
avec la gravité de celles qui ont décidé d'ouvrir la cage aux démons, elle déjoignit
progressivement les genoux.

Quand elle eut terminé son mouvement, à la vue de sa
culotte de monopri, je ne pus m'empêcher de la provoquer.
- Ce qui est caché mérite peut-être une meilleure parure
?
- C'est à vous de juger me répondit-elle avec une
certaine assurance.

Sans aucun doute la belle n'avait pas froid aux yeux, et mon air d'idiot face à son
audace lui procurait la jouissance de ceux qui prennent lentement l'ascendant.
C'est alors que sans en référer à quiconque, elle
s'étendit sur le plateau.
Usant avec brio de la meilleure chorégraphie érotique,
elle se mit à glisser lentement le tissu imprimé qui défendait si mal sa vertu.

Ce spectacle ou l'élégance le disputait à l'obscène me laissa ébahi et sans voix.
Les chevilles encore entravées, la main offrant
largement sa fente, je l'entendis dans un souffle, murmurer l'appel aux fidèles.
- Viens !
Ne restait à présent de la collégienne attardée
que son insondable aspiration de femme éternellement inassouvie.

Mon sexe, depuis plusieurs minutes, s'était transformé en une belle queue qui me faisait
mal.
Cet appel m'autorisait enfin à larguer les amarres.
En matière de navigation, chacun a ses préférences.
Certains admettent de progresser délicatement à la sonde, voir de s'enliser pour les
besoins d'une découverte plus détaillée des berges. Pour ce qui me concerne, je fais
plus dans le pêcheur d'Islande que dans le régatier du dimanche.
Ma quille a besoin d'un bon tirant d'eau, et j'ai
l'étrave qui réclame du passage.
Manifestement, la majorette savait manipuler une barre
sous la tempête.
C'est avec l'aisance d'un pilote rompu à l'exercice
qu'elle me guida la proue dans le canal étroit de Bonne Jouissance.
Avec les femmes, on n'est jamais sûr de rien. Ça en
bloque certain. Moi ça me libère. Je ne cherche pas à bien faire. Je baise comme si ma
vie en dépendait. Comme si c'était ma dernière chance d'échapper à un piège mortel.
Son trou était moelleux, ses muscles toniques. Elle
me rendait coup pour coup.
J'ai amarré mes lèvres au siennes avant de glisser
mes mains sous ses fesses transpirantes.
Je sais qu'elle s'est mise à grogner avant de
m'enfoncer sa langue dans la bouche. Sans doute sa manière à elle de me pénétrer.
Je ne fus pas très long. Elle non plus.
J'ai la peau du cul très sensible et la tigresse me
la lacérait en grognant des ordres qui me signifiait d'allez rapidement quelque part.
- Vas-y ! Vas-y ! Nom de Dieu !
A défaut de directives plus précises, c'est en lui
hurlant " Attrape ça ... saaalope", que je lui balançai une marée
blanche à pleine pression, au fond du crustacé.

Je passerai les détails insignifiants d'après-baise.
La goulue rejetait du liquide de partout. Elle m'avait
même éjaculé sur le ventre un liquide d'origine incertaine. Le ressac lui faisait
dégueuler tout mon sperme sur le fauteuil, heureusement protégé, où elle finissait de
se câliner la moule en souriant aux anges.
J'en profitai pour faire quelques dernières prises.
Vingt minutes plus tard, elle redescendait les
escaliers en me laissant sa petite culotte en guise de salaire.
...
Quelques mois après, je l'ai croisée dans la rue,
elle sortait d'une énorme limousine et le vieux clébard qui lui donnait le bras ne
devait sûrement manquer de rien.
Elle me croisa sans me voir.
- L'ingratitude est le salaire de ce monde me dis-je à
moi-même avec philosophie

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